Chaos en Ereb, Chimères en Assou

Publié le 25/06/2025

Extraits

(…) A ce moment-là, la directrice d’America First France, l’ancienne ambassade des U.S.A., s’était dit que travailler pour un tel dégénéré, ce n’était pas vraiment de la tarte, avant de se rappeler qu’elle ne le faisait que pour l’argent, et que de ce côté-là, elle n’avait pas de quoi se plaindre. Elle était donc sereine quand elle avait raccompagné au Bourget son patron, qui avait décidé d’interrompre son séjour et de ne pas participer aux réunions prévues ce jour-là avec son homologue française, car il s’emmerdait dans ce pays et voulait retourner chez lui pour jouer au golf. Il avait vomi dans la limousine avant de s’envoler vers l’ancienne hyper-puissance, en guerre civile. Il rentrait les mains vides, et en Floride, puisqu’il ne pouvait plus se rendre à Washington, ville qui s’était liguée contre lui, elle aussi. Il vivait cloitré dans un palais au crépis jaunâtre, laid comme un dessert anglais, qui ne lui appartenait même pas. Cela ne l’empêcha pas de touiter, dès l’atterrissage, pour se glorifier de sa politique des affaires étrangères : «  I WON HEARTS, MINDS, AND PUSSIES, IN FRANCE ». Ses conseillers, qui étaient déjà furieux d’avoir à vivre dans ce trou perdu de la Floride, plein de vieux américains gâteux, au lieu des villes excitantes de la côte Est, étaient effondrés par sa légèreté. Ils s’étaient demandé comment il pourrait se maintenir au pouvoir à l’issue d’une guerre civile qu’il était certain de perdre et ils en avaient conclu que ce serait impossible. Ils se préparaient donc à le lâcher pour aller rejoindre les Etats rebelles, persuadés, bien à tort, qu’avec eux, ils pourraient rétablir la grandeur et la gloire passées des Etat Unis. D’ailleurs, au lendemain du retour du Président à vie, ils apprirent que l’armée mexicaine était entrée sur le sol américain avec plus d’un million d’hommes, beaucoup issus des cartels de drogues et donc extrêmement dangereux. Ils prirent vite la fuite vers Washington et de New York pour préparer la résistance, pendant que le Président, qui ne présidait plus à grand-chose, entamait un parcours de golf sous une pluie fine et un vent si fort qu’il décollait sa mèche folle. Quant à la France, elle restait aussi seule qu’avant, et toujours encerclée par les armées orientales. Les Ottomans occupaient déjà le Liban, l’Iraq, la Syrie, la Jordanie, et remontaient vers Vienne par les Balkans. La Ligue Arabe, qui avait pris tout le Maghreb et les Emirats du Golfe, était en Espagne et préparait une invasion de l’Angleterre. Les troupes russes faisaient le siège de Berlin avant d’aller à Paris. On craignait même une mystérieuse offensive chinoise, dont on ne connaissait rien. Pour les dirigeants Français désespérés, sans espoir d’aide extérieure salvatrice, il ne restait plus que la perspective de collaborer avec un futur occupant dont on ignorait la nationalité, la langue, la mentalité, les us et coutumes ou même les habitudes alimentaires Cela générait beaucoup de frustration et de l’anxiété chez ceux qui auraient voulu se préparer à collaborer, puisqu’il avait été mainte fois démontré, par le passé, qu’une bonne collaboration devait s’organiser suffisamment à l’avance et qu’une mentalité de collaborateur ne s’improvisait pas.

  • (…) « Tu les a bien eus, les Ukrainiens et les Polonais », avait dit Cixi l’Impavide à Vlad l’en Pâleur,
  • « T’as vu, je balance une bombe atomique à Sumy, une autre à Grodno, et tous ces rats se rendent», lui avait répondu Vlad,
  • « Tu n’as pas eu peur que les autres t’en envoient une aussi ? », lui avait alors demandé Cixi,
  • « Non, les yankees en guerre civile se foutaient complètement des européens, qui pétaient de trouille et pensaient à leur jardinet ou à leurs petites retraites, alors, même pas peur ! », avait grincé Vlad,
  • « Est-ce que tu avais choisi ces deux villes au hasard, ou bien avais-tu une bonne raison ? », l’avait encore questionné Cixi,
  • « A Sumy les Ukrainiens m’ont fait reculer au début de la guerre en 2022, j’ai eu la honte, et à Grodno ces enfoirés de polacks avaient mis la pâtée à l’armée rouge en 1920, maintenant ils n’y a plus que des foutus radiations là-bas », avait dit Vlad, avec un rictus cruel,
  • « Mon ami, tu es le champion du monde du bluff », avait susurré l’Impavide d’un ton marmoréen, qui reflétait tout, sauf de l’amitié,
  •  « Te fous pas de moi, en matière de bluff, c’est quand même pas moi qui ait inventé un pays deux systèmes pour écrabouiller Hong Kong, et tu t’imagines que je t’ai pas vu mettre tes bases militaires partout, routes de la soie maritime, mon cul, d’ailleurs, rappelle-moi comment vous les appelez en chinois entre vous à Pékin ? », avait sifflé Vlad l’En Pâleur, entre ses lèvres minces et froides de reptile,
  • « Aux Occidentaux, on avait dit que c’était Yīdài yīlù, une ceinture et une route, mais pour nous, c’est Yī biān yī zhǔ, un seul fouet, un seul Maître », lui avait répondu Cixi l’Impavide avec un rictus amer,
  • « Ah, ah, tu t’es bien foutu de la gueule de tous ces cons, mais ils le méritaient », avait conclu Vlad, avec son demi-sourire lugubre.

Plus loin, dans l’allée de l’hôtel de luxe d’Ouroumoutsi, le Roi Al Saoud et le grand Turc et Sultan Mehmed VII le Belliqueux regardaient avec mépris Cixi l’Impavide et Vlad l’en Pâleur qui semblaient s’amuser.

  • « Regarde le petit Russe très laid qui rit comme la hyène, il rigolera moins quand le Chinois l’attaquera des deux côtés, il a déjà acheté la moitié de la Sibérie, il sera en France pendant que l’armée russe saignera encore en Allemagne, ensuite il lui tombera dessus et la Chine n’aura plus jamais peur de la Russie », avait dit Mehmed VII le Belliqueux à l’oreille d’Al Saoud,
  • « La mangouste rouge saute à la gorge du mamba noir », lui avait répondu le Roi Al Saoud, toujours stoïque, comme à son habitude
  • « Mais toi, tu les as bien ratatinés en Sicile, les Chinois ! », avait plaisanté Mehmed VII, et ils allaient continuer à gloser sur leurs collègues, mais la cloche de l’appel du diner officiel avait sonnée,
  • « Majestés, Excellences, vous trouverez sur vos tables le menu du diner d’ouverture de la conférence d’Ouroumoutsi des puissances orientales et impériales, dont l’alliance mutuellement profitable doit faire de l’Orient le seul et unique centre de pouvoir au monde ! », avaient hurlé les aboyeurs dans les quatre langues orientales et officielles de la conférence.

Le premier arrivé avait été Al Saoud. Lorsqu’il n’était encore que Prince héritier d’Arabie Saoudite, les impies d’Occident lui avaient donné un surnom de système de géo positionnement par satellite. Personne n’osait plus l’appeler ainsi depuis qu’il était Roi, Chef de la Ligue arabe, Empereur de tous les Arabes, Calife des musulmans et des lieux saints et l’Ombre de Dieu sur la terre. Il était de haute stature, majestueux, élégant, avec une barbe prophétique, des vêtements amples brodés d’or ou d’argent, mais son petit sourire ne présageait rien de bon. Puis avait atterri le septième Sultan et Empereur Ottoman Mehmed VII, cent deuxième Calife de l’Islam, Calife de tous les musulmans, qui se disait l’Ombre de Dieu sur la Terre. Cela enrageait Al Saoud, pour qui Dieu ne pouvait avoir qu’une Ombre. Dès l’aéroport, avec sa marche forcée en avant et son regard furieux au-dessus d’une moustache virile à la Staline, Mehmed avait montré aux autres qu’il n’était pas venu comme simple spectateur. Enfin Vlad l’En Pâleur, Tsar de la Sainte Russie, Empereur de toutes les Russies, était sorti de son vieux coucou soviétique pour chalouper sur le tarmac, comme un gangster qui aurait un fusil dans la manche de son pantalon. N’importe quel Newyorkais aurait reconnu le pimp roll, un bras immobile, l’autre qui se balance, que Vlad faisait peut-être pour compenser sa laideur, sa taille et son passé d’espion minable, ou simplement par un tic mafieux . Cixi l’Impavide, qui s’était fait Empereur douairier de Chine, car il n’avait pas encore osé se nommer Empereur et créer sa propre dynastie, était arrivé en retard, puisqu’il était l’unique maitre du monde, et chez lui. Il avait descendu l’échelle de coupée du vaisseau impérial chinois volant fabriqué dans l’ex-Union Européenne, puis avait passé en revue les soldats, de sa lourde démarche d’ours lent. Il feignait toujours la bonhomie avec son sourire pincé, ses cheveux teints noir de jais et sa tête ronde penchée d’un côté, qui le faisait un peu ressembler à une vieille dame bienveillante, ce qu’il n’était pas du tout. Les quatre dictateurs orientaux qui aspiraient à la domination mondiale s’étaient ensuite retrouvés ensemble pour le diner de bienvenue dont les plats ne devaient contenir aucune trace d’ingrédients occidentaux, et le menu ne faire aucune référence à des gastronomies de l’Occident.

(…) Pendant que les quatre empereurs orientaux se disputaient entre eux sur la meilleure manière de les anéantir les gens d’Ereb attendaient la curée. Elle serait sans doute suivie d’un grand potlatch parisien des vainqueurs, qui célébreraient leur victoire par un pillage en règle des chefs-d’œuvre des musées européens, qui provenaient souvent d’anciens pillages dans les pays d’Orient. Le futur des Français se présentait comme un tunnel noir interminable sans aucune lumière au bout, et certains s’étaient alors résignés à retourner dans leurs églises abandonnées pour se remettre à prier un peu. Dès les premières séances d’élévation spirituelle, ils étaient arrivés à la conclusion que seul un miracle pourrait encore les sauver. Or, il y en eut deux, car la Sainte-Vierge, qui s’était toujours plu en France, un pays qu’elle avait souvent choisi pour ses apparitions fortuites, avait compris longtemps à l’avance qu’une tragédie d’une ampleur sans précédent depuis le Moyen Age allait prochainement s’abattre sur Ereb. Elle avait aussi deviné le fait que seule la chute de la France, après celle de l’Angleterre, assouvirait entièrement la soif de vengeance d’Assou, puisque l’arrogance française pour ses vieilles civilisations n’avait eu d’égale que l’anglaise. En accord avec sa hiérarchie, elle avait donc eu recours à l’intervention divine dans les affaires humaines, et s’était servie de son stratagème préféré, celui des médailles miraculeuses. Elle en avait dissimulé deux dans un des endroits les plus perdus et les plus isolés de France, l’un de ceux, aussi, qui allaient le plus souffrir des événements d’une extrême gravité qui s’y préparaient. C’est en effet dans les montagnes couvertes de forêts denses du Haut Vivarais, au Nord du département de l’Ardèche, où la sinistre République Démocratique Populaire du Haut Vivarais-Corée du Nord (R.D.P.H.V.-C.N.) sévirait dans quelques années, que deux enfants âgés de six ans, nés le trois juin de la neuvième année du vingt et unième siècle, allaient découvrir le même jour, à la même heure, une minuscule médaille en or. Elle devait leur apparaitre lors de balades dans les buissons de bruyères callune ou de bruyères blanches, sous les massifs de genêts aux fleurs jaune vif sur les rochers gris et froids, à la lisière des sombres sous-bois couverts de buissons de myrtilles parsemés de bouquets de chanterelles à peine émergées des tapis de feuilles moisies ou de mousses humides.