Ce matin, je reçois la lettre d’un habitant de la charmante commune de Bidon, en Ardèche (du moins c’est ce qu’il prétend…).
« Houatfeu, ton nom contient à la fois le feu des combats et l’ouate avec laquelle on pansait les blessés et amputés, au temps des vraies guerres. Ancien militaire moi-même, je me réjouis des nouvelles qui concernent le métier que j’ai exercé. Tout d’abord, la guerre en Ukraine a montré que l’on pouvait se battre contre une puissance nucléaire sans provoquer l’apocalypse. Qui plus est, les missiles balistiques intercontinentaux peuvent porter des charges conventionnelles, ce qui permet de répliquer de la même manière, sans nucléaire. On pourra donc se raser mutuellement les villes sans détruire le pays tout entier, et la bombe atomique, qui depuis quatre-vingts ans empêchait les grandes guerres, devient donc inutile. Nous allons pouvoir revenir aux fracas des batailles de chars, aux massacres de fantassins et peut-être, qui sait, aux sublimes charges de cavaleries (après tout, on a bien de nouveau des tranchées, en Ukraine, avec leur fraternité et leur camaraderie traditionnelles). Autre bonne nouvelle, les experts estiment que le réarmement permet de réindustrialiser le pays, qui en a tant besoin. Je ne vois donc que des avantages à la guerre mondiale, mais certaines choses m’inquiètent. En premier lieu, l’omniprésence de ces cochonneries de drones, qui perturbent la marche en avant des chars et des fantassins, même si je suis sûr qu’une parade sera vite trouvée contre ces empêcheurs de faire la guerre en paix. Par ailleurs, quelle sera l’attitude de nos jeunes, quand le moment sera venu de partir au front? Enfin, la France me semble manquer, pour l’instant du moins, d’une vraie raison de faire la guerre (pas d’Alsace Lorraine à récupérer, ni de nouvelles colonies ou de mines de charbon à conquérir, etc.). Un éclairage de votre part sur ces sujets, Ouate-Feu, me serait précieux. Votre dévoué, Martial de la Sainte Victoire, Lieutenant-Colonel du 18° bataillon de Chasseurs Alpins de Marine (à la retraite) ».
Ma réponse, par retour de courrier : « Monsieur, quand on veut rester anonyme, on utilise un pseudonyme et une qualité qui ne soient pas aussi bidons que la commune où vous prétendez résider (Chasseurs Alpins de Marine, franchement…), mais passons. Pour ce qui est de la nécessité de trouver un motif à la guerre, je ne peux que vous rappeler le fait que la plupart des conflits militaires ont été déclenchés sous des prétextes plus fallacieux les uns que les autres. D’ailleurs, László Krasznahorkhai, prix Nobel de littérature 2025, fait dire au personnage principal de son livre « La Venue d’Isaïe » (qui est aussi celui de « Guerre et Guerre ») : « la seule chose que l’on pouvait affirmer était que l’Histoire (…) était une suite sans fin de combats de rue, voire un seul, long, interminable combat de rue ». Cela pourrait peut-être vous suffire, comme motivation ?
