Mon nom est Houatfeu, philosophe anonyme, excepté pour les étudiants à qui j’enseigne encore et les quelques personnes qui ont recours à moi au lieu de compter sur leurs seuls élèctres pour évoluer un peu dans leurs humanités.
Je vais vous raconter le XXIe siècle tel que je l’ai vécu. Au lieu d’ânonner des mémoires, j’ai choisi la forme d’un roman, dans lequel je me mets en scène parmi tous ceux qui ont bâti l’histoire. Mon récit se termine dans l’année de ma mort, la dernière du siècle, celle aussi qui verra l’humanité changer pour toujours et pour le meilleur. Moi, j’aurais eu deux vies : la première qui est allée de l’après-guerre d’un siècle criminel jusqu’au siècle suivant et sa révolution, la deuxième dans le cocon soyeux d’un régime qui me doit beaucoup, puisque je l’ai conçu.
J’aurai bientôt cent cinquante-cinq ans et je ne veux plus vivre, même si les traitements que l’on me donne en douce m’ont rendu la force et l’élan de mes jeunes années. Contrairement à mon cher camarade Maudhel, je n’ai aucune envie de voir un troisième siècle.
C’est mon tour de partir maintenant, et quand j’ai peur, je ne peux que penser à ma vieille nounou qui est morte en disant « on doit être bien, là-haut, car personne n’en est jamais revenu. »