Grand vide au Moyen-Orient

On leur avait pourtant dit de tous côtés d’arrêter de forer sans retenue, n’importe où et n’importe comment. Mais l’appât du gain, les besoins financiers pour payer les travaux gigantesques et somptuaires dans leurs capitales, sans compter leur train de vie personnel, tout cela fit qu’ils continuèrent, les dirigeants du Moyen Orient, à forer, forer, forer, de plus en plus profond et de plus en plus large.
Ce qui devait arriver se produisit, un jour tous ces trous, ces cavités gigantesques vidées de leur contenu visqueux, ou de leur gaz, se réunirent entre elles, la surface de la terre de la région se mit à trembler et badaboum, une nuit, un immense trou unique se forma, presque tout le Moyen Orient y disparu et la mer s’y engouffra.
Dès le matin, quand la nouvelle tomba, les réactions furent mitigées.
Les politiciens étaient assez ravis car ils n’avaient jamais bien compris les enjeux de la région, toutes ces tribus, ces variantes de l’islam, cette écriture en vermicelle, tout ça leur cassait un peu les pieds et ils redoutaient comme la peste les questions des experts affutés sur la chose, en direct à la télé ou la radio. Dans les réunions internationales, à l’ONU par exemple, ou sur le terrain dans la région, pas de souci, il y avait toujours des dizaines d’experts qui leur préparaient des discours intelligents qu’ils lisaient avec application.
C’est d’ailleurs là que la disparition du Moyen Orient fit le plus de dégâts, chez les historiens, les chercheurs, les diplomates ou du moins les rares qui entravaient sur la région. En France, la panique à l’EHESS, au CNRS, à Science Po’ fut égale à celle que l’on avait connu à la fin de la guerre froide, même chose dans les universités aux USA et en Grande-Bretagne.
On nota par ailleurs le fait que les deux seuls pays qui étaient resté au bord du gouffre étaient Israël et le Liban, et que tous les pays qui étaient passés à la trappe étaient musulmans, ce qui provoqua une volée de fake news et de théories du complot en ligne, qui se dissipa vite.

Les plus fumasses, finalement, ce sont les gens du Louvre, dont certaines des plus belles pièces gisent par des centaines de mètres de fond, quelque part.